Atelier Stéréotypes filles/garçons (collège Langevin-Wallon, Saint-Gratien, 2014)

Date : 15 janvier 2014

 

De novembre à décembre 2013, l’association Ethnologues en herbe, en collaboration avec l’ARPE (Atelier de Restitution du Patrimoine et de l’Ethnologie) du Conseil départemental du Val d’Oise, a animé un atelier sur les stéréotypes filles/garçons dans la classe de 5ème7 SEGPA au collège Langevin Wallon de Saint Gratien. Les huit élèves de la classe, Hamid, Djerfeld, Sarah, Karima, Tatiana, Murat, Catia et Christopher, ont d’abord découvert de 'nouveaux’ métiers d'hommes et de femmes allant à l'encontre des stéréotypes avec l’exposition « Des métiers bons pour elles » de l’ARPE.

Après avoir défini la notion de genre comme "l'ensemble des comportements associés aux femmes et aux hommes", ils ont choisi deux domaines de la vie quotidienne pour faire une enquête de terrain sur les stéréotypes filles/garçons: les sports et les mots qui servent à désigner les femmes ou les filles et les hommes ou les garçons.

Le groupe d’Hamid, Sarah, Djerfeld et Karima sur "les stéréotypes filles/garçons et les mots" a mené plusieurs entretiens avec d'autres collégiens, des adultes du collège et des personnes interrogées dans la rue, en demandant à chacun quels sont les « jolis » mots et les « pires » mots qu'il ou elle utilise pour parler des filles/femmes et des garçons/hommes, puis en ont dessiné certains. S'il a été facile de recueillir des mots négatifs, les jolis mots ont été plus rares mais appréciés de tous!

Le groupe de Catia, Murat, Christopher et Tatiana sur "les stéréotypes filles/garçons dans le sport" a interrogé des collégiens et des adultes sur la place des filles et des garçons dans différents sports. Avec monsieur Godey, ils ont découvert l'existence des équipes féminines de football, de plus en plus nombreuses même si ce sport reste préféré par les garçons... Ils ont aussi recueilli la parole de leur professeur d’EPS sur les relations entre filles et garçons en cours de sport. Et ont eu l'occasion de rencontrer la mère d’une élève, ex-boxeuse thaï !

 

Les stéréotypes filles/garçons et les mots

Entretien avec Mme Liric

Nous sommes les élèves du Collège Langevin-Wallon, de la classe de 5ème 7 SEGPA à St-Gratien. Nous avons fait une enquête sur les mots qui désignent les femmes et les hommes (ou les filles et les garçons). On s’est demandé si les mots utilisés sont plutôt agréables ou désagréables. On a posé des questions à d’autres collégiens et collégiennes, à des adultes qui travaillent au collège et à des personnes dans la rue. Mme Liric, qui travaille à l’accueil de notre collège, nous a donné beaucoup de réponses à nos questions sur les mots qu’elle utilise pour parler des garçons ou des filles. Et contrairement à d’autres personnes interrogées, on a recueilli autant de mots désignant les hommes que les femmes, et de « pires mots » que de « jolis mots ». Les pires mots concernant les hommes étaient : « sale con », « P.D. », « connard », « fils de pute ». On a demandé à Mme Liric ce qu’elle pensait de chacun des mots cités, comme l’expression « fils de pute ». Elle nous a dit qu’elle ressentait « un immense soulagement » en employant cette expression qui lui permet en même temps d’exprimer la haine qu'elle ressent à ce moment-là. Pour elle, le gros mot est blessant ou vulgaire mais il lui fait aussi du bien (pour celui qui le dit...). On a remarqué que l’expression « fils de pute » ne s’utilise jamais au féminin, puisqu’on ne dit jamais « fille de pute » ! Comme si c'était surtout blessant pour un garçon, alors que ça pourrait l’être pour les deux sexes. Pour parler des filles, les pires mots que Mme Liric utilise sont « quelle conne ! », « poufiasse », « pétasse » ou « salope ». Dans les « jolis mots », notre enquêtée a une expression personnelle comme « mon petit coco fiolo » qui nous a fait pensé aux origines tropicales de Mme Liric. Mais elle dit aussi, en parlant des garçons : « beau gosse » ou « mon pounet », qu’on ne connaissait pas non plus. Et pour les filles : « ma belle », « ma pupuce » ou « ma toutoune ». Les adjectifs possessifs « mon » ou « ma » montrent le côté affectif et gentil de toutes ces expressions, on ne les retrouve pas du tout pour les pires mots. Pour tous ces mots, ceux connus et ceux qu’elle invente, Mme Liric nous explique qu’ils lui viennent quand elle est en colère ou quand elle est contente. Ce sont des « mots qui sortent de ma tête », nous a -t-dit. L'analyse de l'ethnologue: Les élèves ont constaté que souvent, on a davantage de vocabulaire pour parler négativement des hommes ou des femmes que pour en parler de façon neutre ou agréable. Le second élément, apparu dans plusieurs entretiens, consiste dans le fait que les enquêté(e)s font preuve d’un lexique nettement plus riche pour désigner l’autre sexe, comparativement à celui désignant leur propre groupe de genre. Les filles ont plein de mots pour désigner les garçons, mais très peu pour parler d’elles, par exemple.

 

Entretien avec Mme Charbonnier, professeur de français

Nous sommes les élèves du Collège Langevin-Wallon, de la classe de 5ème7 SEGPA à St-Gratien. Nous avons fait une enquête sur les mots qui désignent les femmes et les hommes (ou les filles et les garçons). On s’est demandé si les mots utilisés sont plutôt agréables ou désagréables. On a posé des questions à d’autres collégiens et collégiennes, à des adultes qui travaillent au collège et à des personnes dans la rue. L'entretien mené avec l'une des professeurs de français de notre collège nous a fait découvrir beaucoup de nouveaux mots et expressions. Pour parler des garçons de façon négative, celle-ci utilise des expressions comme « macho », « crétin », « imbécile », « abruti ». Elle utilise aussi « espèce de tanche ! ». La tanche est un « poisson de vase, visqueux et mou », nous explique Mme Charbonnier. « Tourte » ou « cloche » lui viennent aussi lorsqu'elle est agacée, « la tourte » est un « genre de pâté, de tarte recouverte de pâte, et une cloche désignant quelqu'un de bête », a précisé notre enquêtée. Parmi les mots agréables, pour les filles, « doucette » nous a plu avec d'autres comme « beauté » ou « mignonne ». Ce mot « doucette », Mme Charbonnier l'a croisé dans un texte du Moyen-âge, selon elle il rend bien l'idée de douceur qu'on peut associer aux filles. Même si notre ethnologue a précisé que les tempéraments des hommes et des femmes ne sont pas liés à leur sexe mais à la culture dans laquelle les uns et les autres vivent. L’analyse de l’ethnologue : Les élèves ont constaté que souvent, on a davantage de vocabulaire pour parler négativement des hommes ou des femmes que pour en parler de façon neutre ou agréable. Le second élément, apparu dans plusieurs entretiens, consiste dans le fait que les enquêté(e)s font preuve d’un lexique nettement plus riche pour désigner l’autre sexe, comparativement à celui désignant leur propre groupe de genre. Les filles ont plein de mots pour désigner les garçons, mais très peu pour parler d’elles, par exemple.

 

Entretien avec Evelyne

Nous sommes les élèves du Collège Langevin-Wallon, de la classe de 5ème 7 SEGPA à St-Gratien. Nous avons fait une enquête sur les mots qui désignent les femmes et les hommes (ou les filles et les garçons). On s’est demandé si les mots utilisés sont plutôt agréables ou désagréables. On a posé des questions à d’autres collégiens et collégiennes, à des adultes qui travaillent au collège et à des personnes dans la rue. Nous vous présentons l’un de ces entretiens. Evelyne a 66 ans et elle habite à St-Gratien. Rencontrée devant le fleuriste du centre-ville, elle nous a dit quels mots elle utilise pour parler des hommes. Elle emploie le mot "le mec", de façon générale ; le mot "trou du cul", "quand je conduis et que je suis énervée", nous dit-t-elle ; et enfin, elle n’a pas pu nous dire un seul joli mot pour désigner les hommes. Concernant les femmes, elle utilise généralement le mot "la femme", le mot "la bourrique" comme l’un des pires mots auquel elle a recours si elle est énervée, et enfin, la plus jolie expression qu’elle emploie : "c’est un ange". L’analyse de l’ethnologue : Les élèves ont constaté que souvent, on a davantage de vocabulaire pour parler négativement des hommes ou des femmes que pour en parler de façon neutre ou agréable. Le second élément, apparu dans plusieurs entretiens, consiste dans le fait que les enquêté(e)s font preuve d’un lexique nettement plus riche pour désigner l’autre sexe, comparativement à celui désignant leur propre groupe de genre. Les filles ont plein de mots pour désigner les garçons, mais très peu pour parler d’elles, par exemple.

 

« Ma belle » et « beau gosse » en mots dessinés

Nous sommes les élèves de 5ème SEGPA du collège Langevin Wallon de Saint-Gratien. Nous avons participé à un atelier d’ethnographie sur le genre que nous avons défini ensemble comme étant "l’ensemble des comportements associés aux femmes et/ou aux hommes". Nous avons réalisé deux enquêtes, l’une sur le sport et l’autre sur les mots qui servent à désigner les femmes ou les filles et les hommes ou les garçons. Dans notre groupe, on a travaillé sur "les mots", ce n’était pas évident, mais on y est arrivé ! Nous avons mené plusieurs entretiens avec d’autres collégiens, avec des adultes du collège et même avec des gens interrogés dans la rue. Nous avons aussi fait de l’observation dans la cour de récré du collège, et dessiné des mots sélectionnés parmi ceux collectés auprès de nos enquêtés. Et puis nous avons pris des photos, à la fois des personnes rencontrées et de nos "dessins de mots". Voici deux de nos dessins et deux autres sont avec à d’autres entretiens que nous avons menés (cf. les ethnodocs sur l’entretien de Mme Charbonnier et celui de Mme Liric). Nous devions choisir l’un des "pires mots" (des mots grossiers et péjoratifs, en fait) et l’un des plus jolis mots recueillis lors de notre enquête pour les écrire de façon dessinée, en montrant ce qu’on ressent pour chaque mot. Souvent, le rouge a servi pour les mots insultants et nous avons choisi d’autres couleurs et formes de lettres pour les mots "gentils". On a parfois bien ri en osant dire des gros mots dans l’atelier, mais on a aussi discuté sur ce que nous font ces mots qui blessent, à la fois pour la personne qui les utilise et pour celle à qui ils sont destinés.

 

Les stéréotypes filles/garçons dans le sport

Entretien avec Doriane, ex-boxeuse

Bonjour, nous sommes des apprentis ethnologues de la classe de 5ème7 du collège Langevin Wallon à Saint Gratien. Notre groupe a travaillé sur le genre et le sport. Nous avons fait des entretiens avec des élèves du collège et des adultes pratiquant différents sports. Nous avons interrogé Doriane (la mère de Tatiana, une élève de notre groupe) qui a commencé la boxe thaïlandaise quand elle avait 14 ans. Elle nous a expliqué ce qu'est la boxe thaïlandaise : c'est un art martial inventé par les soldats du roi de Thaïlande très violent car tous les coups étaient permis mais aujourd'hui par exemple les coups de tête sont interdits. Nous lui avons demandé s'il y avait autant de filles que de garçons dans ce sport. Elle nous a répondu qu'il y avait beaucoup plus de garçons ! Dans son groupe, il n'y avait que 2 filles sur 20 boxeurs. Pour elle, « à l'époque la boxe thaï n'était pas encore un sport très féminin ». Elle n'a jamais vu de coatch féminin en boxe thaï alors qu'il y en avait dans le karaté. Elle nous a dit que c'est un sport dur pour les filles car « elles sont obligées de faire leurs preuves ». Elle nous a raconté que le premier jour, l'entraîneur l'avait fait combattre contre un homme qui faisait de la boxe depuis 7 ans et elle devait se protéger avec les pao (boucliers en cuir). Elle nous a dit que c'est « un rituel » en art martial pour tester la motivation des nouveaux élèves que les filles passent aussi. Après, elle avait mal partout mais elle est quand même retournée à l'entraînement ! Elle nous a expliqué que quand elle était jeune, elle était très bagarreuse donc elle cherchait un sport pour se défouler. C'est pour ça qu'elle a choisi la boxe, elle ne se voyait pas faire de la danse ou de la gymnastique ! A l'époque, elle était garçon manqué mais elle est plus féminine aujourd'hui. Elle nous a aussi expliqué que dans la boxe il faut avoir beaucoup de stratégie et de discipline. La boxe l'a aidé à mieux contrôler son humeur mais jamais à attaquer quelqu'un. Elle nous a rappelé qu'il est interdit de se servir des techniques de boxe en dehors des entraînements ! Nous lui avons demandé quel rêve elle avait quand elle faisait de la boxe. Elle nous a répondu qu'elle voulait faire des combats et surtout partir dans un camp d'entraînement en Thaïlande ! Mais c'était impossible parce que ces camps sont réservés aux hommes (même si les femmes font aussi de la boxe thaï). Après trois ans, elle a été obligée d'arrêter la boxe à cause d'une blessure au genou. Elle a ajouté que de plus en plus de filles font de la boxe aujourd'hui. Selon Doriane, elles veulent savoir se défendre mais c'est surtout parce que ce sport leur plaît! (Doriane nous a aussi envoyé les photos de deux championnes françaises de karaté qu'elle a rencontré avec son fils à Saint Gratien!)

 

 

Entretien avec monsieur Godey

Bonjour, nous sommes des apprentis ethnologues de la classe de 5ème7 du collège Langevin Wallon à Saint Gratien. Notre groupe a travaillé sur le genre et le sport. Nous avons fait des entretiens avec des élèves du collège et des adultes pratiquant différents sports. Nous avons interrogé monsieur Godey qui est retraité et bénévole à l'Entente de football de Sannoix-Saint Gratien. Il encadre « l'école de foot » où jouent les plus jeunes enfants (entre 5 ans et 9 ans). Nous lui avons demandé s'il y a plus de filles ou de garçons dans le sport qu'il encadre. Il a répondu qu'il y a beaucoup plus de garçons. Il nous a raconté qu'il y a longtemps, il a connu une jeune fille qui jouait dans le club de Saint Gratien puis elle est entrée dans l'équipe féminine du PSG ! On a été surpris ! On a découvert qu'il y existe beaucoup d'équipes féminines : Lyon, Marseille, PSG, Argenteuil, Eaubonne, Garges, etc. Cette année, il y a deux filles inscrites au club de Saint Gratien mais ce n'est pas assez pour faire un groupe, donc ils ont créé une équipe féminine avec les clubs de Saint Prix et Eaubonne. Cette équipe est entraînée par une femme qui a suivi la même formation que les hommes pour devenir entraîneur. Monsieur Godey pense qu'il vaut mieux qu'une équipe de filles soit entraînée par une femme à cause de leur jeune âge. Dans l'équipe dirigeante de l'Entente, il y a quatre femmes. Au début, elles accompagnaient leurs fils et leur mari. Maintenant, elles s'occupent surtout de l'administration et de l'intendance. Nous avons remercié Monsieur Godey puis nous sommes allés ensemble rencontrer Monsieur Barreyat, notre professeur d'EPS, qui jouait au foot à Saint Gratien quand il était enfant !

 

Entretien avec Monsieur Barreyat, professeur d'EPS

Bonjour, nous sommes des apprentis ethnologues de la classe de 5ème7 du collège Langevin Wallon à Saint Gratien. Notre groupe a travaillé sur le genre et le sport. Nous avons fait des entretiens avec des élèves du collège et des adultes pratiquant différents sports. Nous avons interrogé monsieur Barreyat, notre professeur d’EPS. D'abord, il nous a dit que cette année il y a exactement autant de filles que de garçons dans le collège! Comme tous les élèves doivent faire de l'EPS, les cours sont mixtes. Mr Barreyat précise qu'officiellement toutes les activités sportives doivent faire participer les filles et les garçons ensemble mais l'enseignant peut faire des choix pédagogiques en fonction des niveaux et des activités. Par exemple, il nous a dit que les 6ème et les 5ème sont plus faciles à mélanger mais qu'il sépare souvent les 4ème et les 3ème à cause des différences physiologiques entre les deux sexes. Dans certaines activités, comme la danse ou la boxe, les filles et les garçons ne se mélangent pas en général, ce sont des « groupes affinitaires » (par amitié). En plus pour la boxe, c'est une question de sécurité car souvent les garçons vont plus vite et sont plus forts donc le contact peut être dangereux. En basket aussi les filles et les garçons sont séparés. Mais dans ces deux activités, les filles qui en font depuis longtemps peuvent être dans le groupe des garçons. Mr Barreyat fait attention à ce que le niveau soit adapté pour que les élèves soient plus à l'aise. En tennis de table et en volley, les groupes sont mixtes car il faut utiliser la stratégie plus que la force. Mr Barreyat a remarqué qu'au début les filles et les garçons ne veulent pas trop être mélangés mais très vite leur réticence s'efface et ça devient naturel. Pour Mr Barreyat, en général les filles préfèrent les activités plus « douces » et les garçons les activités plus « physiques » (mais il a ajouté que ça n'empêche pas les filles d'y participer). L'évaluation en EPS est différenciée entre filles et garçons quand les différences physiologiques comptent, comme en natation et en athlétisme. Mais, par exemple en boxe, le barème maximal est égal entre les garçons et les filles pour ne pas que celles-ci soient pénalisées. Comme Mr Godey nous a dit que Mr Barreyat a fait beaucoup de handball, nous lui avons demandé s'il regarde les matchs de l'équipe féminine. Il a répondu qu'avant il « n'était pas forcément fan » parce que les joueuses n'avaient pas un très bon niveau. Mais maintenant il les apprécie car elles ont beaucoup progressé ! Il nous parle aussi des matchs de foot féminin : « les joueuses trichent moins, ça joue plus. Elle jouent moins vite mais elles n'ont pas ce côté vicieux dans le comportement ». Pour finir, nous lui avons demandé qui sont ses joueurs, homme et femme, préférés. Il nous a répondu : Karabatic (un handballeur) et Marie-Jo Perec (une athlète).