Atelier Mots et images contres les préjugés (école de la Goutte d’Or, Paris 18e, 2016)
Nous sommes les élèves de CP et CE1 à l'école polyvalente de la Goutte d'or. Nous avons suivi l’atelier des ethnologues en herbe avec Nicolas. C’est un atelier où on pose beaucoup de questions.
Première question : Qu’est-ce que le métier d'ethnologue ?
Nicolas est ethnologue, mais personne dans la classe ne savait ce que c’était. Il nous a montré différentes photos : les gens ont différentes façons de se dire bonjour, de faire la cuisine ou de prendre un repas, de construire une maison et de l’habiter. Mais partout dans le monde, les gens se disent bonjour, ils cuisinent, habitent quelque part.
Le métier d’ethnologue, c’est de comprendre que nous sommes tous humains mais que nous avons différentes façons de vivre. C’est vrai partout dans le monde, même ici dans le quartier de la Goutte d’Or parce qu' « on ne vit pas pareil ! » a dit Aymen. Ou « qu'on n'est pas de la même sorte » a dit Saïd.
Deuxième question : Qu’est-ce qu’un préjugé ?
Personne ne savait non plus. Nicolas nous a expliqué que l'ethnologue, il peut rester six mois quelque part pour écouter les gens, apprendre à les connaître. Quand on ne connaît pas les gens, on juge souvent sur les apparences et on se fait une mauvaise idée. C’est ça le préjugé.
On le voit dans le dessin animé qu’on a regardé ensemble : « Le Lièvre et la Tortue » de Walt Disney. Tout le monde est sûr que le lièvre va gagner et que la tortue va perdre. Et finalement, c'est le contraire.
« Quand on ne connaît pas quelqu'un, on ne sait pas qui il est et ce qu'il peut faire, c'est comme la tortue, qui a été la plus forte alors que tout le monde pensait qu'elle allait perdre », a dit Mamadou. C'est ça, un PRÉJUGÉ, un jugement avant de connaître.
Troisième question : Qu’est-ce que le racisme ?
Nicolas a expliqué que l’ethnologue étudie toutes les cultures dans le monde, toutes les populations. Pour l’ethnologue, aucune culture n’est plus importante qu’une autre. Et toutes les personnes sont égales aussi.
On a regardé aussi le dessin animé « Le Vilain petit Canard » de Walt Disney. C’est l’histoire d’un petit cygne qui se retrouve dans une famille de canetons. Parce qu'il n'a pas les mêmes plumes et qu’il fait un son bizarre, la canne le repousse. Le petit canard est très malheureux, il cherche une nouvelle famille. Quand on est différent, on n'est pas accepté et ça nous rend triste. « Parfois des blancs n'aiment pas les noirs et des noirs qui n'aiment pas les blancs » a dit Saïd. « Souvent on dit des mots vulgaires sur les autres parce qu’on les trouve différents » a dit Assia. C’est ça le racisme.
Quatrième question : Qu’est-ce qu’on peut faire contre les préjugés et le racisme ?
On a créé notre planète à nous, où on dit « Non, non aux préjugés ! ».
Elle s’appelle la Planète à l'envers, « parce que si on fait quelquechose de mal, il suffit de la retourner » a dit Mamadou.
Les habitants de la planète s'appellent les Alphas, comme les gentils personnages d'un livre où on apprend à lire. On les a dessinés.
Il y a deux groupes d'Alphas : ceux de la mer et ceux des arbres. Les Alphas de la mer vivent dans l'eau, ils ne peuvent en sortir que la nuit. Un peu comme des vampires, ils ne peuvent pas voir la lumière du soleil. Ils habitent des maisons sur pilotis et se déplacent en bateau. Ils ressemblent aux Alphas des arbres mais sont moins nombreux.
Au tout début de leur histoire, les Alphas se sont retrouvés dans une grotte, où « personne ne pouvait les déranger » et parce que « dans le noir, on est au calme pour parler ». Et les Alphas ont imaginé des règles pour bien vivre ensemble :
. Ne pas se séparer
. Ne pas abandonner les gens différents
. Respecter les autres
. Ne pas dire qu'on n'a pas envie de vivre ici
. Ne pas être violent, ne pas mentir, ne pas être méchant
Ces règles sont vraiment utiles parce que « les Alphas ne sont pas comme les autres, ils ont des noms différents, des corps aussi, mais ils sont amis pour la vie. Et quand un Alpha est méchant, on avertit les autres, on parle avec lui, on explique comment on vit ensemble pour qu'il redevienne gentil » a dit Fatimah.
Ils ont choisi ces règles ensemble, parce que « si un seul Alpha les avait décidées tout seul, les autres auraient aimé le faire aussi et ça aurait créé la guerre » a dit Mamadou. Là-dessus, on était tous d’accord.
Tout se passe bien sur la Planète à l'envers.
«Les Alphas des mers pêchent des poissons et les donnent aux Alphas des arbres. Et les Alphas des arbres cueillent des fruits et les partagent avec les Alphas de la mer » ont dit Saïd et Aymen. Ils se rencontrent pour manger ensemble, ils parlent de ce qu'ils font, et même s'ils ne se voient pas tous les jours, ils sont très amis. C'est juste leur façon de vivre qui change, c'est parce que « les Alphas de la mer sont partis vivre dans l'eau il y a très longtemps, mais avant ils étaient dans les arbres » a dit Azan.
Tous les petits Alphas apprennent la même chose à l'école : écrire, calculer, mesurer, lire et surtout se respecter. Partout, dans les cours des écoles et les classes, dans la mer ou les arbres, c’est tranquille. « Ca se passe bien, les enfants Alphas s'aiment bien et s'amusent ensemble parce qu’ils apprennent très vite à comprendre qu’ils sont différents et à se respecter. Et quand un nouveau arrive, tous les enfants Alphas l'accueillent, lui disent bonjour pour le connaître, jouent avec, lui demandent comment ça se passe chez lui, comment il mange, comment il joue et ce qu'il aime faire avec les autres, comment il se comporte avec sa maman... Comme ça on peut bien le connaître et l'accepter ».
À l'école, ils apprennent tous le « communix », la langue des Alphas des arbres et de la mer. Cette langue sert à parler avec les autres, à communiquer avec eux. Et comme « les Alphas sont tous différents et que chacun sait faire une chose que les autres ne savent pas, c'est important de communiquer pour s'apprendre » a dit Karamokho.
Et quand les petits ou les grands sont méchants avec les autres, il y a une punition : « Il faut réfléchir à être gentil, à ne pas taper, à ne pas se bagarrer parce qu'on n'aime pas quelqu'un... Les Alphas aiment apprendre à respecter les autres enfants : les grands pour les petits, les petits pour les grands, tout le monde. Il faut s’écouter, car si on n'écoute pas, on ne peut pas réfléchir, on ne peut apprendre sur les autres et on ne grandit pas vraiment » a dit Oumou.
On a dessiné deux faces à la Planète à l'envers : celle des garçons où « tout est bien rangé » a dit Aymen et celle des filles qui « rêvent plus que les garçons » a dit Chloé.
Mais attention, c'est la même chose entre les filles et les garçons ! On n’a pas les mêmes goûts, les mêmes cheveux, les mêmes amis, mais c'est pas comme sur la Terre, où « les garçons aiment le football, ne font pas le ménage, ne peuvent pas faire la cuisine et prennent toute la place » a dit Assia.
Sur la Planète à l'envers, certains garçons font la cuisine, et comme « il faut vivre ensemble et être gentils » a dit Saïd, les filles et les garçons font des choses ensemble pour ne pas faire « comme les papas, le roi ou le chef qui dit 'fais pas ci, fais pas ça' » a dit Assia. « Les garçons respectent ce que font les filles, les filles qui veulent faire des trucs comme eux. Et c'est pareil pour les garçons qui veulent faire comme les filles » a dit Fatimah. « Ils s'aident dans le nettoyage, ils vont se chercher des médicaments quand ils sont malades, ils sont gentils entre eux » a ajouté Saïd.
Et pour que tout se passe bien entre les Alphas, en plus de l' « école de la gentillesse », il y a la famille. « Le cœur-famille qui réchauffe les Alphas quand il est partagé, qui nous apprend comment être gentil avec les autres. C'est important la famille, c'est de l'amour » a dit Fatimah.
Un jour, il y a eu un gros problème : des sorcières voulaient que « les Alphas soient méchants entre eux, qu’ils deviennent eux-mêmes des sorcières, que leurs cœurs deviennent froids comme de la glace » a dit Chloé. Mais les Alphas ne les ont pas écoutées, ils sont restés amis. S'ils devenaient méchants, « leur amitié se briserait en mille morceaux » a dit Fatimah. Les sorcières détestent les Alphas parce qu' « ils vivent bien ensemble, ils aiment tous les autres Alphas, même ceux qui sont différents » a dit Mamadou. Chez les sorcières, il y a même des jumelles qui se disent des mots racistes. Et le racisme, « c'est de la violence, c'est méchant » a dit Karamokho.
Comme les sorcières n'ont pas réussi à diviser les Alphas, « elles sont allées sur la planète Terre pour que les gens se détestent, pour qu'ils deviennent racistes » a dit Azan.
Un jour, les Alphas ont envoyé un message aux Terriens pour les aider : « On est tous humains. La couleur de la peau, ce n’est pas grave. S’aimer, s’accepter, se respecter », c’est ce que les Alphas ont écrit. Puis ils sont allés sur la Terre.
Au début, les Terriens avaient peur des Alphas. « Il a fallu que les Alphas reviennent les voir tous les jours pour qu'ils aient confiance, pour qu'ils n'aient pas de préjugés », a dit Mamadou. Les Alphas ont raconté qui ils étaient et ce qu'ils faisaient pour se comprendre. Petit à petit, les Terriens et les Alphas ont appris à se connaître, à se respecter. Et les Alphas leur ont dit que pour se débarrasser des sorcières et leur enlever leurs pouvoirs, il fallait qu' « ils s'aiment et se respectent, comme ils ont appris à faire confiance et respecter les Alphas ».
Maintenant « les êtres humains doivent apprendre à s'aimer un peu plus et s'accepter », à se dire que « les couleurs de la peau, c'est rien, qu'ils sont tous des humains » (Fatimah). Les Alphas et les êtres humains se font confiance, ils se respectent et se visitent souvent. Ils sont devenus amis. Les êtres humains sont mêmes partis sur la Planète à l'envers où être de couleurs différentes, « ce n'est pas grave » (Fatimah), et « c'est même mieux avec toutes les couleurs, comme les Alphas avec toutes leurs couleurs » (Azan).
Et quand quelque chose va mal, il faut réfléchir ensemble et ne pas « se juger sur les différences » a dit Chloé.
Les Alphas de la Planète à l'envers : Assia, Fatimah, Oumou, Saïd, Mamadou, Azan, Chloé, Karamokho, Oumou K., Assa, Mohamed, Aymen.